Lorsqu’on parle de méthode pour tomber au sol, l’expression utilisée dans les arts japonais est Ukémi waza.
Uké受け = Recevoir Mi身 = Corps Waza技 = Technique
Les méthodes exactes peuvent être différentes d’un art à l’autre, mais l’essence de ses techniques est d’utiliser le bras et la main libre pour dissiper une partie de l’énergie du corps qui s’approche du sol.
Elles font partie intégrante des arts martiaux qui utilisent majoritairement les projections et des mise-à-terre. Je crois qu’il est inutile de dire que pour quelqu’un qui pratique le judo ou l’aïkido, apprendre à tomber est absolument nécessaire pour permettre la pratique. Par contre, on peut interpréter la raison de faire ces chutes sous plusieurs angles.
La première façon de voir ces techniques c’est que lorsqu’on tombe, on perd. Ça va de soi pour l’aspect compétitif du Judo. Un pratiquant qui est forcé de faire un ukémi et tombe sur le dos se fait marquer un ippon (un point complet), ou un point complet ce qui met fin au match. Même dans les arts d’autodéfense, on voit souvent des enchaînements ou l’attaquant est forcé de tomber suite à la défense de son partenaire, qui le contrôle et l’immobilise par la suite. Vu sous ces angles, je comprends la notion que tomber est de perdre ou au minimum, notre opposant marque des points qui peuvent mener à une défaite. Mais… peut-on prendre quelques pas plus loin pour trouver d’autres significations aux techniques de chute?
Regardons donc d’un point de vue pédagogique. Si dans une séance d’entraînement les pratiquants évitaient de tomber pour éviter de perdre, comment est-ce que celui qui apprend et pratique pourrait savoir si sa technique est valable. Il risquerait donc d’essayer de faire la technique avec plus de force, possiblement moins de techniques et risquerait davantage de blesser son partenaire et l’on se retrouverait dans une situation ou les deux personnes ne peuvent plus pratiquer, l’un parce qu’il est blessé, l’autre parce qu’il n’a plus de partenaire. Donc, tout le monde perd. À l’inverse, avec de bonnes techniques de chute, les deux partenaires se sentent plus à l’aise de travailler en souplesse, en efficacité, sans blessure d’un côté ou de l’autre. De plus, s’il n’y avait pas de chute, l’exécutant de la technique ne pourrait pratiquer les enchaînements au sol pour poursuivre le contrôle.
Point de vue autodéfense maintenant. On se fait projeter au sol. Si l’on tombe mal, on risque des blessures. Celles-ci pourraient limiter nos capacités à continuer à se défendre de notre agresseur. Tout comme dans le point précédent, de bonnes notions d’ukémis nous permettent de limiter les chances de blessures, mais ici, c’est dans l’optique de pouvoir continuer à se protéger. Le combat est loin d’être terminé une fois rendu au sol. Le Jujutsu brésilien en est l’exemple parfait et le judo a également une grande variété de technique en né waza.
Dernièrement, on peut les voir comme étant des contres. Si quelqu’un nous lance au sol, c’est dans l’intention de nous blesser ou de nous mettre dans une position qui nous est désavantageuse. Avec un bon ukémi, on limite ou prévient les blessures. On prend aussi une position où l’on peut quand même se défendre. Elles permettent aussi au corps de se placer en position de pouvoir contrer avant de se retrouver au sol. On utilise donc l’énergie de la technique de notre partenaire pour l’utiliser à notre avantage. Je vous offre deux exemples.
Exemple 1 :
Une projection de hanche style judo (o koshi agué). Notre partenaire essaie de nous faire passer par- dessus lui pour nous jeter sur le sol devant lui. Avec la même mécanique que pour une chute avant, on peut s’accrocher à lui une fois passé l’épaule pour le projeter à son tour en technique sacrifice (sutémi waza).
Exemple 2 :
Une clef de poignet style aïkido (néji koté gaéshi). Les deux mains de notre partenaire sont sur notre main. À l’extension de ses mains, si on agit avec sa poussée, le coude peut avancer et lever pour prévenir la torsion et, encore une fois, on utilise le mouvement du partenaire pour enchaîner notre propre clef articulaire.
Au final, les ukémis sont la dernière chance qu’un pratiquant a de prévenir une blessure lors d’une technique de projection ou de clef articulaire. La vraie défaite n’arrive que si nous ne faites pas une bonne technique de réception et que vous vous retrouvez avec une dislocation d’une articulation ou tomber tête première au sol, possiblement inconscient. Au final, c’est à vous de choisir comment vous voulez rencontrer le plancher…