Avant de commencer dans le gros de cet article, je voudrais préciser que j’utilise principalement des exemples d’arts martiaux japonais, car c’est dans ceux-ci que j’ai la plus grande expertise. Ceci n’est aucunement une façon de dire que l’article s’applique seulement aux arts japonais. Il existe plusieurs méthodes de kung fu et de tai chi différents et il est probablement vrai pour les arts qui proviennent de la Corée*, d’Indonésie, de la Philippine, etc.
*le Taé Kwon Do en est un excellent exemple, étant donné la présence de deux fédérations distinctes et possiblement plus, de cet art au Canada, notamment la fédération Montiale de Tae Kwon Do et la fédération Internationale de Tae Kwon Do. Toutes les deux pratiquent le même art, mais avec des méthodes de pratique très différentes.)
Qu’est-ce qu’un style?
Pour la plupart des gens qui ne pratiquent pas un art martial, l’expression ‘style d’art martiaux’ ne présente souvent pas exactement la même signification que pour les pratiquants, surtout ceux de longue date. Pour beaucoup, le karaté, le judo, l’aïkido et le jujutsu sont des styles d’arts martiaux. Ce qui n’est pas faux. Mais ceci n’est que la pointe de l’iceberg. Prenons comme exemple le Karaté.
Il existe plusieurs styles, ou ‘ryu’ (流) de karaté; Wado-ryu, Goju-ryu, Shito-ryu, Shotokan, Kyokushin, Uechi-ryu, Shorin-ryu, Shorei-ryu… et j’en passe. Même que certains de ses ryu ont plusieurs fédérations qui régissent des ‘sectes’ différentes (Comme la Japanese Karaté Association (JKA), la Shotokan International (SKI), Todokai International, l’International Shotokan Federation (ISKF) pour le karaté Shotokan, entre autres). Les styles sont nécessaires à un certain point, surtout dans les débuts de la pratique des arts martiaux. En suivant les enseignements d’un style en particulier, on s’assure d’avoir une base pour les techniques avancées d’un système. Même si l’exploration peut être intéressante, elle peut créer de la confusion chez les débutants.
J’ai utilisé majoritairement des exemples de karaté, mais ce n’est pas le même art qui subit des ‘divisions’ concernant les styles. Même la Katori Shinto Ryu, réputée comme étant la plus ancienne école d’arts martiaux encore existante au Japon n’est pas à l’épreuve de ce phénomène.
Il en existe plusieurs branches (Sugino-ha, Hatakeyama-ha, Sugawara-ha, Noda-ha, Shiigi-ha et Mochizuki-ha) à travers le monde. Mais on remarque une certaine différence de nomenclature. On ne les considère pas nécessairement comme des styles différents, mais des courants différents (ryuha, 流派). Les styles plus classiques, plus ‘vieux’ fonctionnaient avec des ‘licences d’enseignement’. Un instructeur considérait un élève comme ayant assez de connaissance dans le style pour lui permettre d’enseigner et de représenter l’art. C’est le cas de la liste mentionnée ci-haut pour le Katori. Certes, au fil des années, des différences stylistiques ou même dans les katas de base se sont développés, mais ils sont encore considérés comme étant du même ‘style’. Plusieurs vont débattre de la légitimité de chaque courant, la considérant valable ou non, mais d’après moi, le débat ici est plus politique que martial, alors je ne développerai pas davantage sur cet aspect.
Ce qui me mène à la question, quand est-ce qu’un art, qui subit des modifications, devient un autre ‘style’? La ligne est tout de même assez nébuleuse et je crois qu’elle dépend aussi de l’interprétation de chacun. Est-ce qu’un instructeur de Karaté Shotokan qui incorpore également des projections est toujours un instructeur de Shotokan ou non? Est-il en train de créer un nouveau ‘style’? Se transforme-t-il en instructeur de Wado-ryu?
Les styles différents sont souvent définis davantage à cause de leur philosophie et non à cause des différences techniques. Shotokan, Goju-ryu et Kyokushin sont tous des karatés et les mécaniques de base pour les techniques sont les mêmes, mais les approches principales sont différentes. Le Shotokan est majoritairement un art de ‘longue portée’, le Goju-ryu de ‘courte portée’ et le kyokushin se retrouve en quelque part entre les deux.
Pour moi les styles sont des guides, un chemin possible dans l’étude des arts martiaux. Mais il est également très important de ne pas porter d’œillères et intentionnellement ignorer qu’il existe autre chose à l’extérieur des murs de notre dojo. Des aspects d’autres systèmes peuvent être incorporés dans notre arsenal, sans pour autant complètement oublier nos racines.
Mabuni Kenwa (1887–1952), le fondateur du Karaté Shito-ryu et un des grands pionniers du karaté moderne a dit qu’il n’y avait pas de style différent de karaté, mais plutôt de différentes interprétations des principes de base. Je crois que ceci s’applique à tous les arts martiaux. Certains enseignent majoritairement des techniques de frappe en premier. D’autres se composent principalement de projection et d’amené au sol.
En revenir à la base.
Mais certes, dans les arts martiaux modernes, on essaie de se démarquer, d’être différent des autres pour attirer des élèves. Un point au visage, peu importe l’art pratiqué par quelqu’un, va faire mal. On fait une torsion de poignet à un partenaire, que l’on s’identifie à l’Aïkido, à l’Hapkido, ou au Chi’na, celui-ci risque une luxation.
« Il ni a pas de place dans le karaté contemporain pour les différents styles. Certains instructeurs disent avoir inventé un nouveau kata, alors ils se donnent le droit de se donner le titre de fondateur d’un style. Effectivement, mes collègues et moi sommes souvent considérés comme appartenant à l’école Shotokan, mais je fais objection à cette tentative de classification. Je crois que tous ces styles devraient être incorporés en un pour que le karaté puisse se développer à l’avenir. » – Gishin Funakoshi.
Tout comme il peut exister plusieurs sentiers pour gravir jusqu’au sommet d’une montagne, les ‘styles’ sont des chemins différents pour atteindre votre objectif personnel dans les arts martiaux. Vrai, certains seront plus efficaces tout dépendant de votre objectif personnel (compétition, auto-défense, développement personnel, santé/mise en forme, etc), mais tous restent valables. De plus, comme pour les sentiers de montagnes, rien nous empêche de faire un petit détour sur un autre sentier, pour ensuite revenir sur notre premier, ou de poursuivre notre ascension en empruntant un troisième chemin.
Si votre style vous convient physiquement, mentalement et au point de vue de vos objectifs personnels, vous êtes sur le bon chemin.